mercredi 19 août 2009

Les dissidents Antillais 01:Paul Valentino le Guadeloupéen et Henry Jean-Joseph le Martiniquais

On appelle dissidence le fait dêtre en rupture total avec l'ordre établi!
On rappelle que les Antilles ont cette originalité par rapport aux autres pays de la région Caraibe d'avoir donné au monde en cette période de grande tragèdie deux types de combattants résistants
:- Les résistants au sein de la France hexagonale ,représentés par les Bloncourt Elie et Tony,le commandant Richard Fortuné,le Capitaine Pierre -Rose Gérard,le Capitaine Moise Bébel,Roméo Georges Naudar,Raphael Elizé,Goussard,.....
-Les résistants-dissidents représentés par Paul Valentino et Henry Jean-Joseh.Ce mois d'Août 2009 sera commémorer le débarquement de Provence,nos compatriotes étaient présents,les Békés et Blancs-Pays ne se bousculaient pas pour nous dire Bouge de là, c'est nous qui devront être là,pas Toi,mon oeil,ils servaient en grand nombre l'ordre horrible de Pétain à travers l'Amiral Robert à la Martinique et Constant Sorin en Guadeloupe, notre jeunesse actuelle doit savoir cela!!Voici leur portrait:A): Paul Valentino:Paul VALENTINOVALENTINO (Paul, Calixte)Né le 9 juin 1902 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)Décédé le 15 mars 1988 à Pointe-à-PitreMembre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Guadeloupe)Député de la Guadeloupe de 1946 à 1955Paul Valentino, agent commercial appartenant à la communauté noire, s'affirme dès la fin des années vingt comme un des principaux responsables de la modeste fédération socialiste guadeloupéenne. Secrétaire fédéral SFIO, probablement depuis 1933, il est candidat de ce parti dans la première circonscription de la Guadeloupe en 1928, dans le deuxième en 1932 (523 voix sur 25 997 inscrits et 9 507 exprimés) et 1936 (163 suffrages sur 27 363 inscrits et 13 042 exprimés). Au premier rang des manifestations de la gauche durant le Front populaire, il est élu maire en 1935 puis conseiller général de Pointe-à-Pitre le 25 mai 1937.Valentino est bouleversé, comme la plupart des élus de l'île, par la défaite de la France en juillet 1940. Il refuse l'armistice et cherche l'appui du gouverneur Sorin qui, après hésitation, décide de rester fidèle au gouvernement de Vichy. Le soir du 17 juin, alors que le conseil général est réuni en session ordinaire, dans une conversation privée avec Sorin, Valentino annonce qu'il va demander l'application de la loi Tréveneuc du 15 février 1872 relative "au rôle éventuel des conseils généraux dans des circonstances exceptionnelles". Promulguée à la suite de la défaite de 1870, cette loi servira de fondement juridique à la réunion de l'Assemblée consultative provisoire à Alger trois ans plus tard. Il propose donc que le conseil général prenne en main les destinées de l'île et réitère sa demande à la session extraordinaire du conseil général le 1er juillet, déclarant notamment : "Quand j'ai entendu à la radio le Maréchal Pétain déclarer au monde : "Comment voulez-vous qu'une nation de 40 millions d'habitants puisse lutter efficacement contre une autre qui en compte 80 millions ?", mon cœur de colonial a saigné. J'avais entendu dire que l'Empire français comptait 100 millions d'hommes. Je croyait que nous, coloniaux, étions définitivement intégrés dans la nation française. Le gouvernement sous la menace de l'ennemi a-t-il été obligé de réduire à néant cette croyance et de limiter la France au seul territoire métropolitain ?". Et Valentino revendique dans le même discours le droit au paiement de "l'impôt du sang". Le conseil général l'élit à la présidence de sa délégation exécutive, sans pour autant le suivre. Le gouverneur général, qui avait déjà essayé de le faire arrêter le 24 juin, utilise pour ce faire un incident sur le port de Pointe-à-Pitre. Le 12 juillet 1940, le paquebot Cuba accoste, transportant des républicains espagnols et des Israélites affamés se rendant en Amérique du Sud. Une foule apporte de l'aide à ces passagers et il s'ensuit des incidents entre les gendarmes et la population. Valentino, s'étant interposé est arrêté le 25 juillet et condamné pour outrage et rébellion à six mois de prison et 50 francs d'amende. Transféré tout d'abord de la maison d'arrêt de Pointe-à-Pitre au Fort Richepanse, puis au fort Napoléon, il est ensuite envoyé en Martinique pour comparaître devant le tribunal militaire permanent le 21 janvier 1941 pour avoir "porté atteinte à l'intégrité du territoire national" en temps de guerre. Acquitté, il est arrêté le même jour et interné administrativement. Ramené au Fort Napoléon, il s'évade et, repris, est conduit en Guyane où il est enfermé dans des conditions particulièrement difficiles au bagne et à l'île du Diable.Valentino est libéré 19 mars 1943, grâce au ralliement de la Guyane à la France libre, dans l'obédience du général Giraud. Mais, fidèle au gaullisme, il refuse le poste de secrétaire général du gouvernement de la Guyane. Assigné à résidence à Cayenne, il est pris en charge par les Américains qui cherchent à accélérer le ralliement des Antilles françaises à la France libre car l'agitation ne cesse de s'y développer. Débarqué clandestinement en Guadeloupe par un navire américain, Valentino tente d'organiser un soulèvement qui échoue dans la nuit du 3 au 4 juin. Il doit alors fuir et se réfugier à la Dominique. Le 9 juillet, il revient clandestinement et participe activement à l'organisation du soulèvement qui abouti à l'effondrement du régime de Vichy dans l'île cinq jours plus tard. La réinstallation de l'Assemblée départementale constitue un triomphe, mais le président de la délégation exécutive de l'Assemblée départementale s'affronte au délégué extraordinaire de la France Libre, Henri Hoppenot. Ce dernier veut revenir aux pratiques coloniales anciennes, alors que Valentino entend faire du conseil général et de sa délégation exécutive l'organe légal du gouvernement de l'île en attendant la Libération définitive de la métropole. Pour l'administration, l'homme sera toujours considéré comme suspect, désireux de renforcer les pouvoirs locaux contre le pouvoir central, il a désormais l'image d'un adversaire de l'assimilation.Le conseil général et le Comité français de libération nationale dirigé par le général de Gaulle - qui cite l'action de Valentino en 1940 dans ses Mémoires de guerre - désignent le conseiller général de la Guadeloupe pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger puis de Paris. Il y intervient à plusieurs reprises, notamment pour critiquer la gestion du ravitaillement dans les Antilles, interpellant à cette occasion son camarade Ramadier en février 1945. Secrétaire de la fédération socialiste de la Guadeloupe de 1944 à 1946, Valentino est aussi élu maire de Pointe-à-Pitre en avril 1945 (il le demeure quatorze années) et il est réélu conseiller général le 14 octobre suivant. Mais, député, il est surtout présent à Paris où il représente ses camarades insulaires dans la plupart des réunions et congrès nationaux du parti.Paul Valentino se présente à la première Assemblée nationale constituante le 21 octobre 1945 dans la deuxième circonscription, sa camarade Eugénie Eboué se présentant dans la première. Au premier tour, il obtient 7 230 voix et est élu au second, avec 14 328 voix sur 27 674 votants. Il intervient en décembre dans le débat sur les accords de Bretton Woods, à propos des francs coloniaux et du commerce avec les Antilles et les autres colonies. Partisan de la décentralisation et d'un exécutif local actif, Valentino refuse de voter la loi de départementalisation des "vieilles colonies" du 19 mars 1946. Il estime qu'il faut tenir compte de la géographie, de l'éloignement de la métropole, des spécificités culturelles et des besoins spécifiques des territoires et reproche d'autre part à la loi de constituer un recul en supprimant des attributions spécifiques des anciens conseils généraux, notamment en matière fiscale, douanière et budgétaire.Le 2 juin 1946, pour les élections à la deuxième Assemblée constituante, Valentino remporte pratiquement toutes les suffrages de ses concitoyens (21 703, sur 23 745 votants). Il s'efforce, en vain, le 28 août, de faire rétablir dans le préambule du texte constitutionnel, le premier paragraphe de la déclaration des droits qui avait été rédigée le 19 avril précédent dans le texte constitutionnel rejeté par le référendum du 5 mai. Celui-ci stipulait que "Nul ne saurait être placé en situation d'infériorité économique, sociale ou politique contraire à sa dignité et permettant son exploitation en raison de son sexe, de son âge, de sa couleur, de sa nationalité, de sa religion, des ses opinions, de ses origines ethniques ou autres". Il s'oppose à la façon dont est mise en place la départementalisation des "vieilles colonies". Partisan d'une décentralisation réelle et défenseur des intérêts spécifiques des départements d'outre-mer, le 20 septembre 1946, dans le débat constitutionnel, il tente de faire ajouter à l'article 74 l'amendement suivant : "Sous réserve des attributions supplémentaires qui seront conférées à leurs assemblées territoriales en vertu de l'article 77, les départements d'outre-mer ont le régime des départements métropolitains". Mais la commission de la constitution repousse l'amendement et l'Assemblée ne le suit pas.Lors des élections à la première assemblée de la IVème République, le 10 novembre 1946, les deux circonscriptions de la Guadeloupe sont unifiées et les trois députés sont élus à la proportionnelle. La liste socialiste connaît un net recul, au profit des communistes, avec 13 991 suffrages sur 36 632 exprimés. Valentino est réélu, mais les communistes emportent les deux autres sièges.Souvent absent de l'île, Valentino est âprement combattu par l'administration. Un préfet le décrit dans un rapport au ministère de l'intérieur, comme "âprement ambitieux, orgueilleux à l'excès" ; Le même représentant de l'Etat affirme que "ses idées politiques ne sont pas entièrement orthodoxes du point de vue national". Il serait un "adversaire acharné de l'assimilation qui, selon lui, priverait les conseils généraux de leurs prérogatives dont il jouissent en matière financière et fiscale". Mais son influence dans les deux parties de l'île est "très grande" reconnaît le préfet. Pourtant, même s'il conserve sa mairie de Pointe-à-Pitre en 1947, il est battu lors du renouvellement du conseil général le 2 octobre 1949 par le communiste Fengarol. Il a obtenu au deuxième tour 548 voix, contre 633 à son adversaire.Le 17 juin 1951, la liste de la SFIO conduite par Valentino mène campagne sur deux fronts, contre le RPF, qu'elle qualifie de "Rassemblement de la pourriture française", et contre "le communisme stalinien" dont les militants sont dénoncés comme "traîtres à la patrie". Les candidats socialistes rappellent qu'ils ont cherché "à éviter à notre pays les soubresauts d'une assimilation hâtive, mal étudiée et mal adaptée à nos conditions de vie". La liste conduite par Valentino obtient 16 315 suffrages sur 45 704 votants et Valentino est reconduit au Palais-Bourbon. Le 30 août 1954, il appartient au groupe des 54 députés socialistes qui participent au rejet de la Communauté européenne de défense.La fédération socialiste de la Guadeloupe ne représente pas Valentino pour les élections législatives du 2 janvier 1956. Désormais, son seul mandat est la maire de Pointe-à-Pitre qu'il conserve jusqu'en 1959, date à laquelle il est battu dans son fief historique. Son influence est en très forte baisse. L'année précédente, candidat SFIO dans la première circonscription de la Guadeloupe en novembre 1958, il n'a rassemblée que 2 069 voix au premier tour, sur 38 007 inscrits et 24 938 exprimés au premier tour et, s'étant maintenu, n'a conservé que 1 892 suffrages au second tour.La carrière politique de Valentino continue sous la Vème République. Après des échecs en 1961 aux cantonales à Pointe-à-Pitre et en 1962 aux législatives, dans la deuxième circonscription de l'île, il est réélu député sous l'étiquette UD-Vème en 1967.Décoré par le général de Gaulle, Valentino est médaillé de la Résistance et officier de la Légion d'honneur.Source Assemblée Naionale.Henry Jean-Joseph:25/06/2009Par Maité KodaINTERVIEW. Henry Joseph, dissident martiniquaisLe président Nicolas Sarkozy, en visite en Martinique, doit rendre hommage aux dissidents antillais. L’un d’entre eux, Henry Joseph, est revenu sur son parcours.Ils étaient plusieurs milliers, hommes et femmes antillais qui ont répondu à l’appel du général De Gaulle. Ils ont quitté leurs îles entre 1940 et 1943, pour rejoindre, via la Dominique et Sainte-Lucie, les Forces françaises libres. Un hommage tardif mais nécessaire.Fin 2005 nous avions interviewé l’un d’entre eux, Henry Joseph, qui revient sur son incroyable parcours et exprime son amertume quant au manque de reconnaissance de la France.Interview datant de décembre 2005Les dissidents ont quitté leurs îles pour rejoindre les FFL © RFO Pourquoi avez-vous décidé de partir en dissidence ?Henry Joseph : Nous étions jeunes et il y avait un zeste d’aventure, beaucoup de patriotisme. C’était une période très compliquée, parce que la Martinique était occupée par la marine française, ce qui ne nous faisait pas tellement plaisir à nous, Martiniquais. Il y a eu très tôt des heurts et des problèmes qui se sont posés entre la population et la marine.Tous les dissidents sont partis pour les mêmes raisons que vous ?Henry Joseph : Pratiquement, chacun avait évidemment en plus un motif qui lui était propre. Il y a quand même une chose contre laquelle je vais m’élever : les gens ont prétendu que nous sommes partis parce que nous avions faim. Ce n’est pas vrai. A la Martinique nous n’avions pas souffert de la faim. Les terres étaient cultivées, à la campagne on pouvait faire du troc, on avait plus ou moins tout ce qu’on voulait. Notre volonté de partir n’était pas liée à un problème de faim mais à un ressenti patriotique et une envie d’aventure. A l’école nous suivions tous des cours d’éducation physique et d’éducation patriotique, ceci nous a énormément imprégné.Dans quel état d’esprit étiez vous lorsque vous avez pris cette décision ?Henry Joseph : Chacun prenait sa décision tout seul pour une raison majeure : l’île était occupée par les forces pétainistes, soit 2500 à 3000 marins. Des jeunes faisaient la police dans l’île et relataient les moindres faits et gestes. On évitait donc de parler ouvertement de ce genre de choses parce qu’il y avait quand même pas mal de gars qui étaient envoyés en prison ou dans les cales des bateaux en rade de Fort-de-France.Chacun essayait de monter son coup discrètement. On ne partait pas seul puisque c’était impossible. On volait des gommiers, des pirogues qui servaient aux pêcheurs, pour partir avec. Pour le départ, les dissidents se réunissaient à trois ou quatre, de toute façon le gommier ne prenait pas plus de cinq six personnes.Pouvez vous nous raconter votre scène de départ ?Henry Joseph : Nous avions tous une famille à qui nous n’avions jamais dit au revoir. On pensait bien que les tous se seraient mis à nous retenir et à tenter de nous raisonner. Je n’ai rien dit à mes parents. Quand je suis vraiment parti, nous étions quatre. Il faisait nuit, j’ai laissé au bord de la mer les deux ou trois livres que j’avais dans mon sac. J’étais en short, j’avais mon slip dessous. J’ai enlevé mon short qui est resté sur la plage et j’ai rejoint le gommier à la nage où mes 3 autres copains m’attendaient.Nous n’avions que plus ou moins conscience du danger qui nous attendait. Honnêtement, pendant la traversée du canal de Sainte-Lucie on a eu la plus belle peur de notre vie. Nous n’étions pas des marins, nous avions fait un peu de voile pour aller en face de Fort-de-France sur les plages mais nous n’étions jamais allé à Sainte Lucie.Comment étaient perçus les dissidents par la population martiniquaise ?Henry Joseph : Nous avons été environ 5000 à partir, Martiniquais et Guadeloupéens confondus. Ici à la Martinique la population béké était contre nous. Le lendemain de notre départ, la gendarmerie est venue et a fait une enquête rapide. La population martiniquaise répondait aux questions par « on ne sait pas, on a pas vu ». Tous savaient très bien qu’on était partis et qu’on allait pas revenir alors… c’était plutôt bien vu par les gens de couleur. On était soutenu moralement mais évidemment de très loin, puisqu’on était déjà partis quand ils apprenaient notre décision.Qu’avez-vous fait après être passé à Sainte-Lucie ?Henry Joseph : De Sainte-Lucie on nous envoyé par petits voiliers dans un centre de recrutement à Trinidad. On essayait de nous discipliner plus ou moins, nous étions dans un camp anglais, ce n’était pas encore la vraie vie de militaire. On faisait de l’éducation physique, on avait le droit de sortir, on nous donnait 2 ou 3 dollars pars semaine pour aller en ville. C’était une petite vie relativement agréable. J’ai donc passé deux mois à Trinidad où j’ai signé notre acte d’engagement des Forces Françaises Libres pour la durée de la guerre, plus 3 mois.Où avez-vous effectué votre formation militaire ?Henry Joseph : Nous avons été formés aux Etats-Unis, au Fort Dicks dans le New Jersey. C’était un camp immense, au moins la surface de la Martinique, avec des dizaines de milliers d’hommes. Nous avons fait énormément de marche et de parcours du combattant pendant quelques mois. J’y suis resté 4 mois pendant lesquels on nous a rompu « en principe » à tous les aléas du combat militaire, avec des entraînements à balles réelles.Lors de tous ces déplacements, quel accueil vous était réservé, en tant que dissidents français, par la population locale ?Henry Joseph : A Sainte-Lucie les gens étaient très gentils avec nous, surpris de nous voir si jeunes. J’avais 16 ans, les autres avaient 17 ,18 voire 20 ans… On n’a pas pu y rester longtemps car il n’y avait guère de ravitaillement. Les autorités de Sainte-Lucie s’empressaient de nous envoyer à Trinidad où il y avait de quoi nous nourrir et nous habiller.Nous sommes arrivés aux Etats-Unis en juillet 1943. Nous y avons vraiment appris à vivre, parce que en sortant de notre petite Martinique, nous ne connaissions rien...Il y avait quand même un problème racial aux Etats-Unis. Au départ il y a eu quelques problèmes, nous n’étions pas au courant de toute cette ségrégation... Cela nous a valu quelques coups de « boutou » sur la tête lorsque nous empruntions des chemins qui nous étaient interdits. On montait dans des bus à l’avant alors qu’il nous fallait monter à l’arrière…Pour nous distinguer nous avions sur l’épaule gauche une épaulette sur laquelle était inscrit « Free french forces ». Les gens le voyaient d’eux même sinon nous leur faisions signe pour le leur montrer. Cela signifiait que nous n’étions pas des nègres comme les nègres américains et qu’il n’y avait pas lieu de nous discriminer. De plus, la presse parlait un peu de nous. Très vite toute la population a su qui nous étions. Grâce à cet insigne nous n’avons pas trop eu de problèmes de ségrégation.Après cet entraînement que s’est-il passé ?Henry Joseph : Au mois de septembre on nous a embarqué dans un liberty ship, dans un convoi qui faisait presque 200 bateaux et on nous a dirigé sur Casablanca. C’est là que nous avons commencé à avoir les emmerdes… Il y avait De Gaulle et Giraud à l’époque. Nous, nous étions gaullistes, puisqu’on ne savait pas que Giraud existait ! Nous n’avions jamais vu un portrait de De Gaulle non plus, mais bon, nous étions gaullistes… Nous sommes donc arrivés à Casablanca qui était plutôt à tendance giraudiste puisque Giraud avait débarqué là avec quelque centaines ou milliers de Français.Henry Robert Hélénon, dit "Rio", également dissident, est décédé en septembre 2008 © RFODès notre arrivée on a voulu nous prendre nos uniformes parce que les uniformes américains étaient beaucoup plus beaux et solides que les tenues d’officiers français. Ils voulaient tous nous déshabiller ! (rires) Il y a donc eu quelques bagarres entre les « Français de la Martinique » et les « Français de Giraud ». Suite à cela on nous a exilé dans un camp dans le moyen Atlas, à El Hajeb. Nous y avons passé un mois et demi environ avec des exercices militaires complémentaires… Il faisait 35-40° la journée et – 10° -15° la nuit, nous n’étions pas habitué à ce climat.Ensuite nous sommes parti en Tunisie, où nous avons intensifié notre manière de travailler, appris à manipuler les canons. Nous avons appris à tirer tout en continuant à faire de l’infanterie. Début mai nous sommes arrivés en Italie. C’est lors de la bataille du mont Cassino que nous avons compté nos premiers blessés et nos premiers tués. Nous commencions à connaître vraiment la peur, les odeurs des macchabées, les obus. Nous n’étions plus des novices…A la mi-août nous avons débarqué de nuit sur les côtes de Cavalère en France. Nous ne savions pas où nous étions, nous apercevions juste des sillons, nous nous sommes planqués dedans. Le comique de l’histoire c’est qu’en levant nos yeux, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait plein de raisin au dessus de nos têtes : nous étions dans des vignes. Nous connaissions la canne à sucre, le fruit à pain mais pas le raisin… ce qui ne nous a pas empêché d’en manger. C’était bon mais ce que nous ne savions pas c’est que le raisin avait été sulfaté 8 ou 15 jours auparavant. En fait on bouffait du sulfate… Une heure ou deux après, tout le monde avait la diarrhée !! Il a fallu avancer comme ça toute la journée ! Si les Allemands avaient été mieux organisés et plus nombreux, ils nous auraient foutus dehors rapidement.Avez-vous combattu aux cotés des tirailleurs sénégalais ?Henry Joseph : Ils étaient nombreux mais nous n’avions pratiquement pas de rapport avec eux. Dans l’armée on a pas le temps de se de faire connaissance les uns les autres. Nous avions des rapports amicaux, on s’échangeait une cigarette de temps en temps mais on ne les fréquentait pas plus que ça, on n’y tenait pas puisqu’on ne les connaissait pas. C’était des rapports cordiaux, sans joie excessive mais sans animosité non plus.Quel est le souvenir qui vous a le plus marqué lors de cette expérience ?Henry Joseph : Le jour où je me suis fait plomber. C’était du coté de Hyères. J’ai été blessé au front. Nous avions ordre d’attaquer un petit fort qui se trouvait au bas du Mont Faron. A l’intérieur du fort se trouvait une compagnie d’Allemands qui nous a arrosés à coup de grenade. D’abord j’ai sauté sur une mine puis ensuite un Allemand m’a balancé une grenade dessus. Ce n’est pas très fair play mais c’était la guerre… J’y ai perdu ma jambe droite. Mon frère, mais aussi beaucoup de combattants martiniquais et guadeloupéens combattaient à mes cotés, j’étais entouré de frères quoi ! Ils sont venus, m’ont secouru, m’ont soigné. On m’a mis dans une ambulance puis on m’a amputé. Ca été deux mois de souffrances, j’ai subi 9 opérations.Ensuite je suis resté dans un centre de convalescence à Hyères ou j’ai été très bien accueilli par toute la population. Tout le monde voulait m’aider, m’apprendre à marcher, je ne pesais plus que 31 kilos ! La population m’avait fabriqué une espèce de brouette et je me faisais pousser dans les rues d’Hyères par des jeunes filles… Au bout d’un mois et demi j’avais déjà retrouvé toute ma force.Est-ce que la France vous témoigne de la reconnaissance pour cet engagement ?Henry Joseph : Absolument pas !!! La France ne nous témoigne rien du tout. J’ai des problèmes avec le préfet, avec l’ancien général qui commandait les troupes d’ici, avec le ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera… Dans notre bataillon nous avons obtenu une dizaine de décoration pour 16 600 types au feu. Nous étions à la commémoration du débarquement à Cavalaire dans le Var. Nous avons visité le Mont Faron qui a été transformé en musée. J’y étais avec des amis, des anciens combattants. Il n’y avait absolument rien sur nous. C’est comme si on n’avait jamais existé. Je me suis mis à chialer. A 78 ans, comme un gamin. Pas une étiquette, rien ne signalait notre présence au feu, là ou j’ai été blessé, à l’endroit même ou j’ai perdu ma jambe.J’en ai informé Monsieur Mekachera, il m’a dit qu’il essaierait de voir ce qu’il peut faire, mais rien ne se passe. Ca dure depuis plus d’un an ! On va crever bientôt nous, on a tous 80 ans maintenant. On aura rien vu venir. On ne recherche pas un honneur quelqu’il soit mais qu’on reconnaisse quelque chose par un mot, une lettre…Quand nous sommes rentrés en 1946 nous avons trouvé une population complètement passive et indifférente par rapport à cette histoire de dissidence. Les guerres d’Indochine puis d’Algérie s’annonçaient déjà, ainsi que la libération des territoires africains. On écartait nos revendications sous prétexte qu’il y avait toujours plus urgent à régler. Personne ne nous écoute en Martinique. Le préfet a dit publiquement que j’étais seul et que je perdais la tête… Nous sommes fatigués de nous opposer à ça, je pense parfois qu’on va laisser tomber. J’ai l’impression que nous représentons un passé qui les gêne. Ni l’Etat, ni le département, ni les hommes n’ont témoigné de reconnaissance. Pourtant sans des gens comme nous, les moins de 60 ans seraient peut être allemands. Il y a soixante ans on me coupait la jambe en France pour qu’elle reste française. Comment peut on encore nous insulter après ça ? La France n’a pas de quoi être fière.Je vous dis toute ma rancœur. Je suis un grand blessé de guerre, j’ai du travailler, me suis marié. Nous avons monté cette association il y a une quinzaine d’année et maintenant nous parlons de la dissoudre… Heureusement qu’Euzhan Palcy a bien voulu faire un film sur nous (Parcours de dissidents, ndlr), qu’il existe des gens qui s’intéressent à notre histoire.Si toute cette aventure était à revivre, seriez vous prêts à recommencer ?Henry Joseph : Pas du tout. Aucun d’entre nous d’ailleurs, en sachant ce que nous savons maintenant. Nous avons vécu des moments formidables ensemble : tirer des coups de fusil, courir le danger, visiter du pays… mais quel est le résultat final ?Pensez vous que la France d’aujourd’hui corresponde a l’idée que vous vous en faisiez lorsque vous êtes partis la défendre ?Henry Joseph : Non. La France d’aujourd’hui est une France d’arrivistes, et nous en sommes tous responsables. Nous sommes mal gouvernés, les gens de tous les partis ne pensent qu’à se faire de l’argent.A l’époque, je me faisais une idée d’autant plus belle de la France que ma mère était métropolitaine et mon père martiniquais. C’était ce que l’on appelait à l’époque les couples domino. J’ai été éduqué quelques années dans l’Hexagone. Je me sens toujours très français et je suis malheureux de tout ça. C’est pourquoi j’ai vidé un peu mon cœur avec vous en toute franchise.

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